Ce concert et la masterclasse associée vous sont proposés dans le cadre des actions de préfiguration d'une Scène de Musiques Actuelles
portée par la Communauté d'agglomération Coeur d'Ardenne avec le soutien de la Direction Régionale des Affaires Culturelles et la région Champagne-Ardenne.
Mats Öberg : claviers
Morgan Ågren : batterie
Gustaf Hielm : basse
C'était la deuxième fois que le Mats & Morgan Band se produisait à Charleville-Mézières, après leur très remarqué passage dans le cadre du Festival "Tambours de Fête" en 2007. Si la formation était inchangée, le concert fut assez différent : à la folie des compositions alambiquées aux découpages rythmiques complexes s'ajoutait une bonne part d'improvisation, et une recherche plus approfondie de textures sonores inédites. Ceci était particulièrement audible dans le jeu du bassiste Gustaf Heilm sortant de son instrument raccordé à de nombreuses pédales des sons assez inouïs. Bien sûr, Mats Öberg n'était pas en reste, s'amusant visiblement avec les sons de son synthétiseur, avec l'humour "zappaien" qui lui est familier. Conclure un chorus par des bruits de basse-cour, jouer avec le modulateur pour rendre la tonalité flottante, voilà qui semble le réjouir au plus haut point. Enfin, Morgan Agren, derrière son impressionnante batterie ( 3 grosses caisses, 3 caisses claires, de nombreux toms et cymbales ), s'il dégage une énergie impressionnante, est lui aussi à la recherche du son : ses trois grosses caisses, commandées par de nombreuses pédales lui permettant de les jouer toutes indifféremment du pied gauche ou du droit, parfois deux simultanément, lui permettent d'avoir un son radicalement différent selon l'effet souhaité. Ajoutons que l'utilisation de ces grosses caisses avec les trois caisses claires accordées différemment permettent de nombreuses combinaisons. Quelque soit la complexité des rythmes joués, la vitesse incroyable de leur interprétation, la qualité et la précision de la frappe sont toujours au service d'un son très pensé.
De son côté, Mats Öberg est lui aussi à la recherche de climats sonores inédits, et sa virtuosité lui permet quelques envolées fulgurantes, à la croisée d' Herbie Hancock période Headhunters, et des claviers habités du rock progressif anglais des seventies. Ajoutons qu' il accompagne parfois ses claviers par un chant étonnant, très second degré, évoquant un peu les Mothers of Invention. Franck Zappa est décidément toujours présent en filigrane.
On est loin de tout cliché jazz-rock, plus proche d'une certaine musique progressive, qui de Zappa à King Crimson en passant par Magma, a ouvert les oreilles à quelques générations d'auditeurs. La première partie du concert a seulement effleuré les compositions du groupe, qu'un auditeur averti devinait au détour quelques bribes de phrases, ou de quelques rythmes, sans que toujours le thème soit joué dans son intégralité.
Après un intermède laissant Mats Öberg seul sur scène avec son clavier et son harmonica, petit moment de calme avant la tempête, le trio est revenu à des thèmes plus structurés, portés par l'incroyable technique de Morgan Agren. Dans ces moments d'énergie folle, l'aspect visuel avait aussi son importance: Mats tournant sur lui-même dans une sorte de transe "monkienne", Gustaf dansant littéralement avec sa basse, et bien sûr Morgan qui à lui seul est un spectacle. Le dernier morceau avant le rappel vit les trois musiciens sauter à pieds joints pour conclure le concert en apothéose. Du moins le croyions nous, car le rappel montait encore le niveau d'un cran, Morgan Agren, dans un final de folie, dévissant à coups de baguettes les papillons de ses cymbales, pour envoyer celles-ci se fracasser sur la scène.
Comme quoi cette musique d'une folle complexité n'est pas exempte d'une folie toute primaire, et d'un humour ludique, le tout associé à une énergie salvatrice. Les ingrédients pour un grand concert qui, s'il a laissé quelques auditeurs perplexes, a fortement impressionné la grande majorité du public.
Patrice Boyer
Voir compte-rendu de la masterclasse de Mats & Morgan Band à l'AME, Dimanche 28 octobre